Le départ du Père Collijn

 
 

DEPART DU CURE DE REMERSDAEL

C'est le dimanche 23 août 1987 que la com­munauté paroissiale de Rémersdael a dit "au revoir" à son curé, le Révérend Père Joseph Collijn, qui a décidé de prendre sa retraite et d'aller habiter dans sa région natale, le proche Limbourg hollandais.

Après la messe d'action de grâce, rehaussée par la chorale (en excellente forme) placée sous le direction de Monsieur Robert Pelsser, l'Harmonie Sainte-Geneviève a pris la tête du cortège en direction de la salle Rimbiévaux.


A la table d'honneur, on trouvait, entourant Monsieur le Curé, le député européen-bourgmestre José Happart, les échevins Lang et Pinckaers, les conseillers communaux Heuts, Heynen, Smeets et Xhonneux, les membres de la Fabrique d'église de Rémersdael, les doyens de Fouron-Saint-Martin et d'Aubel, le curé de Teuven et l'abbé Ernens.

Monsieur Victor Taeter s'est adressé à Monsieur le Curé, en français et quelques mots ensuite en patois, pour le remercier au nom de la Fabrique d'église, en rappelant ses qualités de coeur et son adoration pour la Sainte Vierge. Monsieur Drooghaag, président de la Fabrique d'église, lui a ensuite remis un cadeau (photo de l'église de Rémersdael) et une enveloppe contenant les fonds récoltés auprès des paroissiens.

 

Ensuite, Jean-Louis Xhonneux a pris la parole en sa qualité d'élu local. Voici le texte de son intervention
Monsieur le Curé Collijn, Monsieur le Député-bourgmestre, Monsieur le Doyen, Monsieur le Curé, Chers Collègues,
Mesdames, Messieurs, Chers amis,
Monsieur l'Abbé,
Lorsque des représentants de la Fabrique d'église m'ont demandé de vous adresser quelques mots à l'occasion du départ du Père Joseph Collijn, j'ai bien volontiers donné mon accord. Je pense qu'il est en effet normal qu'un élu d'une collectivité soit son porte-parole. C'est donc plus particulièrement en tenant compte de mon engagement politique dans la commune de Fourons que je m'adresserai à vous.

Monsieur le Curé, en rédigeant ce texte, j'ai repensé à un tas de choses, mais aussi des gens, tels que les curés que nous avons connus ici avant vous. Mais deux  personnes sont revenues constamment dans mes pensées. II s'agit d'André Schmets et de Monsieur Cravatte.
Vous étiez à peine ici lorsque André Schmets est mort. Vous disiez que vous n'aviez même pas eu l'occasion de faire sa connaissance comme bourgmestre de Rémers­dael. Nous, on vous connaissait déjà un peu comme une brave père missionnaire qui ne refusait pas de prendre un verre de temps en temps. Et c'est pourtant dans la maison d'André que vous m'avez ébloui. Alors que les visiteurs défilaient dans la chapelle ardente, nous étions dans la cuisine et un cousin d'André vous a taquiné sur Monseigneur Lefebvre. Vous lui avez fait une démonstration logique imparable sur les erreurs des intégristes. Vous l'avez mis échec et mat en moins de deux et, moi, je savais dès cet instant que le genre simple que vous adoptiez cachait en réalité un théologien érudit.

Comme trésorier de la Fabrique d'église, Monsieur Cravatte en était pratiquement l'animateur et vous étiez donc fréquemment en contact avec lui pour résoudre toute une série de problèmes matériels. Et des problèmes matériels, il y en a beaucoup dans les Fabriques d'église. Quand je vois tout ce que les Fabriques demandent comme aide à la commune, le me demande comment nous allons pouvoir l'accorder Et les demandes sont bien souvent largement justifiées à cause de l'état de délabre­ment des bâtiments. J'en arrive alors à deux questions angoissantes : d'une part, s'il n'y a plus d'offices religieux régulièrement et s'il n'y a plus de pratiquants, faut-il encore entretenir à coups de millions ces mastodontes de briques? Et d'autre part, comment nos ancêtres ont-ils fait pour se payer une petite cathédrale à Rémersdael? Si elle disparaissait, serions-nous capables de la reconstruire?
Sachez en tout cas que vos élus rémersdaelois ont toujours défendu toutes les deman­des de la Fabrique d'église devant la majorité du conseil communal et que, étant donné les circonstances, la Fabrique d'église de Rémersdael a toujours obtenu un traite­ment prioritaire.

Monsieur Cravatte revient aussi régulièrement dans mes pensées, lorsque j'essaie de cerner votre pastorat chez nous. Son engagement chrétien et francophone pro­fond avaient fait de lui un conseiller chez qui vous alliez, je crois, souvent confronter vos idées. J'en arrive ainsi à ce remerciement tout spécial que je dois vous adresser parce que vous avez permis que les habitudes linguistiques dans l'église évoluent harmonieusement.

J'ai été interpellé dimanche dernier parce que l'invitation à cette manifestation était bilingue. Émanant de la Fabrique d'Eglise, elle doit l'être, c'est la loi. Mais dans les autres paroisses de notre commune, la loi n'est sans doute pas la même. L'intolérance y règne. Il ne faudrait pas maintenant que nous tombions dans le même travers.

Il me semble qu'il serait utile d'évoquer rapidement quelques souvenirs de cette évolution de l'église de Rémersdael vers le respect des volontés linguistiques de ses paroissiens. Je me souviens de ce dimanche matin où un drapeau liégeois et un drapeau noir flottaient au clocher. Qui ne se souvient de ces affiches "Messes en français" collées, parfois malheureusement, sur la belle porte en chêne? Ce sont des anecdotes aujourd'hui, mais il a malheureusement fallu passer par là pour obtenir enfin la désignation de prêtres respectueux de nos choix.

Ceux qui faisaient partie de la J.R.C. à l'époque se souviendront de cette messe de minuit célébrée en français par le Père Buchet dans la cave de la maison communale en concurrence avec la messe de minuit officielle de la paroisse. Les menaces de certains prêtres contre le Collège des Oblats à Gemmenich furent réelles. Pour éclaircir l'affaire, nous avons été appelés chez le Père Supérieur de Oblats et celui-ci nous donné cette réponse magnifique : "Il ne m'appartient pas d'interdire à un de mes pères d'aller dire une messe là où des jeunes chrétiens le lui demandent et tant pis pour les menaces".

Pour ces jeunes, ce fut ensuite l'aventure de la construction de cette salle qui fut inaugurée par une messe en français célébrée par le Père Indekeu. C'est encore avec André Schmets que nous avions choisi le nom de cette salle. Ce nom wallon de Rémersdael, Grondal en atteste, devrait encore être le nom utilisé aujourd'hui. Mais à propos de ce nom, je dois vous dire qu'on retrouve le même nom dans le Jura et ce qui est fantastique, c'est que la famille jurassienne de Rambévaux a des origines alsaciennes, sous le nom de Rômerstal. Comme l'écrit un jurassien qui était dans ce salle en juillet dernier, "on pouvait ainsi se donner la main de l'extrême nord à l'extrême sud de cette Gaule belgique qui parle pratiquement le même patois, des confins de la latinité en Principauté épiscopale de Liège à ceux de la Principauté épiscopale de Bâle-Porrentruy".

 

Monsieur le Curé, vous avez fait énormément pour cette paroisse et vous savez d'ail­leurs que vous avez pu conserver l'amitié et le respect de tous vos paroissiens. Je suppose que vous sentiez encore davantage leur solidarité chaque fois que d'autres s'attaquaient à votre action, chaque fois que vous deviez aller vous expliquer à Hasselt.

Pour cela, je dois vous dire un énorme merci. Et pourtant, depuis quelques jours, on sait que vous n'avez fait ici que votre devoir. Dans une lettre adressée par Monseigneur Danneels à un conseiller communal de Hoeilaart, celui-ci rappelle les principes qui guident l'église : "Dans les communes à facilités (et Fourons est dans ce cas), il n'existe pas de problème concernant les cérémonies en français.

"Dans les autres paroisses (ce n'est plus le cas des Fourons, mais de Hoeilaart par exemple), nous sommes conscients du problème et nous avons prévu une pastorale d'accueil. Le principe reste que les célébrations paroissiales se font en néerlandais et que le français peut être utilisé lors de célébrations à caractère privé. Ainsi le baptême peut se faire en français. Lors de mariages aussi, la célébration proprement dite du sacrement se fait en français. Les lectures et les intentions de prières peuvent être dites en français mais, pour la célébration eucharistique, le néerlandais est uti­lisé. Les funérailles sont célébrées en néerlandais".

Ce paragraphe décrit donc la situation dans une commune sans facilités. Une commune comme la nôtre qui jouit de facilités a droit à des cérémonies en français sans problème, dit l'Archevêque. Voilà une bonne chose que votre successeur et vos col­lègues des autres paroisses fouronnaises ne manqueront pas d'appliquer sans doute.

De plus, il ne faudrait pas que l'horaire des messes imposé à la paroisse de Rémersdael soit discriminatoire.

Avant de terminer et de vous souhaiter une retraite bien méritée, je voudrais citer deux courts extraits du sermon que l'abbé Frison a fait ici le 3 mai 1987 : "Saint Jean, dans l'Apocalypse, nous dit : "Le Christ a racheté par son Sang, les hommes de toute lan­gue, de toute race, de toute nation."
"Et Saint Paul d'ajouter : "Vous tous, qui avez été baptisés en le Christ, vous avez revêtu le Christ. Il n'y a plus ni Juif, ni Grec! Vous êtes tous héritiers de la promesse" II n'y a plus ni Flamand, ni Wallon, dirait-on maintenant, mais sans doute des européens.
"Et toi, pourquoi méprises-tu ton frère? Tous, en effet, nous comparaîtrons devant le Tribunal de Dieu!"

Je vous souhaite, Monsieur le Curé, une longue et paisible retraite en bonne santé.
Revenez-nous souvent avant de comparaître devant ce Tribunal de Dieu. Dans sa réponse, le Révérend Père Collijn a avoué tout le plaisir qu'il avait eu à vivre a Rémersdael. Il a aussi dit qu'il comprenait bien les revendications politiques de ses paroissiens et qu'il pouvait même les partager, parce que, bien qu'étant de nationalité hollandaise, il avait du sang wallon dans les veines. De plus, il rappela qu'il n'avait jamais pu supporter les attitudes intolérantes et les démonstrations brutales de nos adversaires. Après avoir promis de revenir souvent à Rémersdael, le Père Collijn fut chaleureusement applaudi et la nombreuse assistance but avec joie le verre de l'amitié offert par la Fabrique d'église de Rémersdael.

Le Foron 1987/4

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