Célébration du centenaire de Rémersdael

 
 

Pour célébrer cet événement, M. Guil­laume GRONDAL avait été convié à publier un livre intitulé Notes historiques sur Rémersdael. Après le cortège des sociétés locales, une cérémonie académique et musicale eut lieu en plein air avec la participation des autorités, des invités et de la population. On entendit les discours de M. Hollands, bourgmestre, de M. Cravatte, instituteur en chef, président du Comité des fêtes, de M. Kevers, secré­taire communal honoraire, de M. Bissot, commissaire d'arrondissement. M. Joseph MEUNIER, président de la S.V.A.H., après avoir félicité l'autorité locale d'avoir donné une allure historique à la fête, fit allusion aux aspirations récentes de la commune de Rémersdael d'être soumise au régime bilingue, alors qu'en dépit d'une majorité exprimée en ce sens, elle ne pouvait employer officiellement que la seule langue flamande.
« Notre société a constaté avec plaisir que l'administra­tion de Rémersdael a confié à l'un de nos plus anciens membres, M. Grondal, la rédaction d'un livre historique sur votre commune. Il s'est acquitté de cette mission avec une érudition remarquable. L'ouvrage, écrit avec une rigou­reuse précision, est bondé de détails anecdotiques. Plutôt que faire apposer une pierre commémorative quelconque, avec inscription peu saillante, vous avez préféré l'édition d'un livre évocateur des faits et gestes de vos ancêtres. Vous laisserez à vos descendants un souvenir durable de cette belle journée, un mémorial qu'ils consulteront avec fierté et profit durant les longues soirées d'hiver.
» Rémersdael fête son centenaire à une époque où de vigoureuses discussions ont été soulevées à propos du régime linguistique de la région. Alors que dix communes des cantons d'Aubel et de Limbourg se verraient imposer trois langues au lieu d'une seule, les six communes de la vallée de la Voer - dont la vôtre - qui clament avec une forte majorité leur volonté d'employer la langue fran­çaise, resteraient soumises au régime unilingue flamand. Quelle parcimonie !
» A ceux qui cachent honteusement les résultats du recen­sement de 1947, vous avez le droit de répondre : « En hon­nêtes gens, nous exigeons la probité politique et nous, seuls, sommes juges d'imposer notre volonté majoritaire de par­ler la seconde langue française ». Habitants du pays et administrateurs, vous ne tolérerez pas qu'on vous traite en Béotiens. Votre passé plaide pour vous, parce que vous êtes
des organisateurs. Habitants de la région d'Aubel, vous avez montré quel dynamisme vous anime. C'est avec un réalisme poignant, avec un talent que pourraient envier des acteurs chevronnés de grandes villes que le pays vous vit organiser, en 1949, les processions historiques et jubi­laires, comme les jeux scéniques d'Aubel. Tout cela fit sen­sation et ce n'est pas à des populations de cette trempe qu'on enlèvera la volonté de régler elles-mêmes leur régime linguistique.
» Et puisqu'aujourd'hui, nous participons à une commé­moration historique, qu'il nous soit permis d'évoquer un peu du passé et de suivre la voie de liberté tracée par nos ancêtres belges, les plus vaillants parmi les Gaulois. Alors que la plupart de leurs rois - Boduognat, Indutiomare, Vercingétorix - moururent captifs ou exécutés, le nôtre Ambiorix, chef des Eburons, fut le seul roi qui échappa à l'ennemi et mourut libre au sein des grands bois. C'est le premier des insoumis. Nous sommes fiers de contempler sur la grand-place de Tongres, non loin d'ici, la statue du plus ancien de nos rois indépendants. L'indépendance qu'il perdit, ressurgira dix-neuf siècles plus tard, en 1830.
» Inclinons-nous devant ce champion de la liberté. Comme lui, vous revendiquerez la vôtre dans la sphère linguisti­que. Respectueux des traditions, vous aurez toujours le culte de votre vieux patois. Vous parlerez en français, vous par­lerez en flamand.
» Et lorsque plus tard, vos descendants auront la joie de fêter le second centenaire, ils clameront comme aujour­d'hui : « Vive la commune de Rémersdael ! Leve de ge­meente Remersdael ! ».
Des applaudissements nourris et prolongés furent le signe approbatif de cette allocution.
Le discours du major Bonjean, avec remise de décora­tions aux combattants de la commune, et l'exécution d'une vibrante « Brabançonne », mirent fin à cette touchante cérémonie.
Depuis lors, le recensement a été publié et Rémersdael a vu la réalisation du régime bilingue qu'il réclamait.

Extrait de « Chronique de la Société Verviétoise d’Archéologie et d’Histoire », n° 41 – 1954.