Deux dalles tumulaires armoriées remarquables

 
 

Il était jadis coutume d'inhumer dans l'église les personnages notables, seigneurs, prêtres, bienfaiteurs, etc., usage qui fut interdit par l'ordonnance de Joseph II du 26 juillet 1784. Des dalles plus ou moins historiées, portant l'inscription funéraire, recouvraient les sépultures ou étaient dressées à leur chevet contre le mur. Ces pierres ont généralement disparu des églises lors du renouvellement du pavé, soit qu'elles aient été transférées au cimetière, ou bien, cas le plus fréquent, réduites en moellons.

Rémersdael a conservé deux superbes dalles tumulaires armoriées, provenant des sépultures des seigneurs du village dans l'ancienne église.

La plus ornementée est actuellement encastrée dans la paroi Ouest de la tribune des châtelains, située à gauche du chœur dans la nouvelle église. Elle rappelle le souvenir de Jean d'Eynatten seigneur d'Obsinnig (fils de Michel et de Marie de Gulpen) et de sou épouse Jeanne de Holzet (fille de Jean et de Marie d'Aldenbroeck Cette dalle en marbre de Limbourg constitue un intéressant monument funéraire de style Renaissance.

Dans le fronton se voit l'écu de la famille d'Eynatten, accompagné de la date de l'érection 1565. Entre les colonnes supportant l'entablement sont sculptées, ornées de leurs attributs et surmontant le nom du lignage, en haut, les armes des époux et, en bas, celles des quartiers maternels.

EYNATTEN : d'argentà la bande de gueules, accompagnée de six merlettes dumême.

HOLSIT, ou HOLZET DIT OEST, famille ainsi qualifiée parce qu'elle possédait le château d'Oest, près d'Eyden : de gueules à la bande d’or, accompagnée de six merlettes du même, la bande chargée en chef d'un écusson d'argent à la croix engrêlée de sable au franc quartier du même.

GULPEN, famille originaire de la localité de ce nom, en français «Galoppe » : de sable à la croix engrêlée d'or.

BROCK ou ALDENBROECK, lignage de Fouron‑le‑Comte : fascé d'argent et de gueules de huit pièces, au lion de sable brochant, la queue nouée et passée en sautoir, armé, lampassé et couronné d'or.

Dans l'espace entre les bases des colonnes est gravée l’inscription suivante :

HYR LIGGEN BEGRAVEN DIE EDELEN ERENTFESTEN JOHAN VAN
EYNATTEN TZO OPZYNNICH STATHELDER DES HARTZICHDOMS
LYMBORCH GEWEST IS STERF DEN 7 OCTOBRII ANNO 1562
VNND SYN HVISFROWE JOHANNA VAN HOLZYT
GENANT OEST STERF DEN 16 IANVARII ANNO 1542

Sous le monument a été placée une pierre aux armes des Eynatten, qui lui est étrangère.

Jean d'Eynatten joua un rôle important dans l'histoire de notre contrée. Stadhouder ou lieutenant gouverneur du duché de Limbourg. comme le dit l'inscription, il devint conseiller de Charles‑Quint. Son talent diplomatique et sa grande connaissance des affaires politiques le firent déléguer comme commissaire par le gouvernement de Bruxelles dans presque toutes les négociations que suscita, en ces temps de troubles, la situation intérieure des pays d'Outre‑Meuse. Il s'employa activement pour l'empereur dans ses différends avec la ville de Maestricht et il rédigea plusieurs mémoires pour revendiquer ses droits, contestés par le prince‑évêque de Liège, sur cette cité qui se trouvait sous leur domination commune. Sa mère, Marie de Gulpen, était la fille de Thierry, possesseur de la seigneurie de Rémersdael, qui passa à son frère Arnold d'Eynatten.

La seconde dalle tumulaire, en bas‑relief, provenant également de l'ancienne église, se trouve au milieu du pavement du caveau de la famille de Furstenberg. Elle recouvrait la sépulture de Jean‑Henri d'Eynatten, seigneur de Rémersdael, fils de Henri et de Yolande Huyn d'Amstenraedt) et de son se Sibylle de Golstein, (fille d'André et de Jeanne de Torck), dont les armoiries figurent au haut de la pierre, dans un encadrement ovale. Aux quatre coins de celle-ci sont sculptés les blasons d'Eynatten et de Goltstein, aux angles supérieurs, et de Huyn d'Amstenraedt et de Torck, aux angles intérieurs.

EYNATTEN : voir plus haut.

GOLSTEIN ou GOLTSTEIN, lignage originaire du duché de Juliers : fascé d'or et d’azur de huit pièces.

HUYN D'AMSTENRAEDT, famille du pays de Fauquemont : de gueules à la croix gringolée d'argent ; en cœur, un écusson d'argent à trois tourteaux de gueules.

TORCK, lignage qui a son berceau dans la Gueldre : coupé, en chef de gueules plain, en pointe d'argent à sept losanges d'azur, posées 4 et 3.

Dans mi rectangle, au-dessous de l'ovale entourant les armoiries des époux, est gravé le texte ci‑après :

ANNO – 1663 -  DEN - 3 ‑ IVNY ‑ IST
GESTORBEN – DER – WOL – EDELER  
GEBOERENER - HANS - HENRICH ‑ VON
EYNATTEN – HEERE – ZV - REYMERSDAL
VND - HOMBORG - VND - DE ‑ WOI,
EDELE - GEBOERENE ‑ SIBILLA ‑ VON
GOLSTEIN ‑ GEWESENE ‑ EHESVR
IS – GESTORBEN - ANNO ‑ 1673
DEN – IO            RIS      DEREN ‑ SELE
GOTT ‑ WIL ‑ GENADIG ‑ SYN

 

Jean‑Henri d'Eynatten est qualifié seigneur de Rémersdael et de Hombourg : en possession par héritage de la seigneurie foncière de Rémersdael, il acquit en 1648, avec son cousin Winand d'Eynatten d'Obsinnig la seigneurie hautaine de Hombourg. Il fut admis comme membre de l'ordre noble des États de Fauquemont, la seigneurie de Rémersdael étant un fief relevant des dynastes de ce pays. Son arrière-grand-père, Arnold d'Eynatten, était le frère de Jean, dont la dalle funéraire a été décrite ci-avant.

Sibylle de Goltstein était la fille d'André de Goltstein, seigneur de Breil, près de Geilenkirchen, dont les deux sœurs, Marie et Catherine, furent abbesses de Sinnich, la première de 1619 à 1641 et la seconde de 1644 à 1655. Les armoiries du lignage se retrouvent au-dessus de la porte d'entrée du monastère. Un des oncles de Sibylle, Guillaume de Goltstein, fut seigneur de Lontzen et un autre, doyen de la collégiale Notre-Dame d'Aix-la-Chapelle. Ce dernier acquit dans cette ville une maison pour y installer des récollectines de Limbourg, où sa nièce, une sœur Sibylle, était religieuse. La baronne de Rémersdael et son frère, Jean‑Guillaume de Goltstein contribuèrent à la dotation de la nouvelle communauté.

Le 14 juin 1664, par devant le maïeur et les échevins de la cour foncière de Rémersdael, Sibylle de Goltstein, veuve de Jean‑Henri d'Eynatten, créa sur la ferme de Malbroeck une rente d'un capital de 700 florins, donnant annuellement 43 florins 15 stuivers, pour la fondation d'une messe perpétuelle hebdomadaire, à célébrer chaque mardi, pour son époux et leur lignage, à l'autel de Ste-Anne dans la chapelle de Rémersdael et pour l'instruction dominicale des enfants dans la dite chapelle depuis la Quadragésime jusqu'à la Pentecôte.

Si le monument funéraire de Jean d'Eynatten dans la tribune des châtelains à l'église passe inaperçu du visiteur à cause de son emplacement dans la muraille qui la sépare de la nef latérale, la dalle tumulaire de son arrière-petit-neveu Jean‑Henri était demeurée inconnue des archéologues. C'est parce que le caveau de la famille de Furstenberg est demeuré quelque temps ouvert après l'inhumation du baron Adolphe, que les membres de la Société verviétoise d'Archéologie et d'Histoire, en excursion dans la région le 24 juin 1950, ont eu l'occasion rare de pouvoir l'examiner.