La Cour de Clermont

 
 

La ferme aujourd'hui dénommée Welschhof était, sous l'ancien régime, le siège d'une importante seigneurie foncière avec cour de justice. Elle était appelée «cour de Clermont » ou «cour de Mérode», parce qu'elle appartint durant près de trois siècles aux seigneurs de Clermont de la famille de Mérode. Le terme «cour» doit être pris ici dans son sens primitif, tombé en désuétude, de domaine rural. Le nom de Welschhof «ferme des Wallons» semble provenir de ce qu'elle fut ensuite, durant le XVIIIe siècle, en la possession d'un lignage noble liégeois.

La cour de Clermont comprenait alors, outre le manoir et les bâtiments d'exploitation, environ 23 bonniers de prairies, 48 de champs et 10 de bois et de taillis. D'autres biens-fonds qui en dépendaient étaient exploités par des tenanciers, comme en témoigne l'existence de sa cour foncière, chargée de leur administration. Au point de vue féodal, elle formait un grand fief relevant de la seigneurie de Fauquemont.

A la fin du XIVe siècle, ce fief est entre les mains de la famille namuroise de la Folie. Deux membres de ce lignage avaient été faits prisonniers en 1374 à la bataille de Baesweiler, où ils luttaient sous la bannière du comte Louis de Namur, à côté de la cohorte de Fauquemont, dans l'armée du duc Jean Ier de Brabant. On peut voir dans ce fait la cause de l'attribution de ce fief à Gobert de la Folie, qui le relève en 1381. Le second relief consigné dans les registres de la cour féodale de Fauquemont est opéré en 1420, à la Sainte-Madeleine, par Laurent de la Folie.

En 1430, la seigneurie est possédée par Henri de Welkenhuyse, sire de Hemmersbach (Juliers), de Clermont et de Meuschemen (Baelen), dont la fille unique Catherine épousa Jean Henri Scheiffard de Mérode, gouverneur de Limbourg. Au partage de leurs biens, le second de leurs fils Werner Scheiffart eut le fief de Rémersdael. Après sa mort, celui-ci échut en 1509 à Jean‑Scheiffard, son fils. Ce dernier décéda en 1536 sans postérité et ses biens allèrent aux enfants de Guillaume Scheifard de Mérode, frère de Werner. L'un d'eux, dénommé aussi Werner, fit le relief de la seigneurie qu'il engagea le 11 juin 1543 pour 4.000 florins d'or.

La cour de Clermont passa en 1550 à son beau-frère Jean de Strythagen, drossard de Fauquemont, devenu aussi seigneur de Clermont. Son fils, de même nom, époux d'Anne d'Eys de Beusdael, la releva en 1560. Au décès de ce dernier, sa succession fit l'objet de contestations et elle fut revendiquée par divers consorts Strythagen qui firent relief. Un jugement de la cour féodale de Brabant, en date du 24 mai 1586 attribua la cour de Mérode à Gaspard Scheiffard, fils de Werner, qui la releva le 16 novembre. Cette sentence fut confirmée le 28 mai 1587 par le Souverain Conseil de Brabant. Gaspard Scheiffard de Mérode, qui avait épousé Marie de Horion de Colonster, décéda le 28 juin 1620. Son fils aîné Guillaume fit  relief le 26 novembre suivant.

La propriété immobilière des enfants de Gaspard Scheiffard était importante : ils possédaient, outre leur cour de Rémersdael,  les seigneuries de Clermont, de Meuschemen (Baelen), de Welkenhuyse (Luxembourg), de Hemmersbach et plusieurs autres au pays de Juliers.  Cependant, par suite des guerres, ils se trouvèrent dans une situation financière difficile. Ils durent aliéner plusieurs de leurs biens, dont Meuschemen en 1630, et emprunter à diverses reprises de fortes sommes. C'est ainsi que la cour de Clermont fut donnée en garantie le 19 août 1633 à Gérard de Horion, seigneur d'Angleur, pour un prêt de 4000 florins Brabant et, le 4 février 1633, à Jean de Goltstein, cha­noine de Notre‑Dame d'Aix‑la‑Chapelle pour un prêt de 8100 florins Brabant.

Les exigences des créanciers forcèrent ses possesseurs à sortir d'indivision et le partage se fit le 27 septembre 1641. A Arnold de Mérode, colonel au service du duc de Lorraine, échut la terre de Rémersdael, dont il fit le relief le 31 octobre 1642.

Sa fille. Catherine‑Charlotte de Mérode, avait épousé le  marquis Eugène‑François de Trazegnies (Hainaut). Au décès de son père, elle fit opérer le relief de sa seigneurie de Rémersdael le 11 avril 1701, par Etienne Begas, maïeur de la cour de justice. Elle la légua à son second fils, le marquis Pierre‑Jean-Gérard de Trazegnies. Aux termes de son testament du 14 juin 1713, cette seigneurie revint, après la mort sans hoirs de ce dernier, à sa soeur la marquise Anne‑Françoise de Trazegnies, qui s'était unie le 2 mai 1697 à Nicolas‑François‑Alexan­dre, comte de Looz‑Corswarem. Par acte donné au château de Ligny, le 28 janvier 1730, celui-ci chargea l'intendant général de ses affaires, Lambert de Lonchin, de prendre possession de la seigneurie de Rémersdael ; il en fit le relief le 19 juin 1730.

Les époux susdits décédèrent sans postérité et la cour de Mérode échut à leur neveu Charles‑Louis‑Auguste de Looz‑Corswarem, qui la releva le 25 août 1744. Le titre de duc, qui lui revint à la mort de son père, passa après son décès à son frère Charles‑Alexandre‑Auguste, lequel fit relief le 1er octobre 1759. Celui‑ci fut le dernier de sa branche et institua pour héritier son cousin, le comte Guillaume‑Joseph  de Looz‑Niel, qui devint duc de Looz‑Corswarem et opéra le dernier relief le 28 août 1792. Il mourut le 20 mars 1803 et le bien resta dans sa descendance.

En 1851, le chevalier Menten de Horne, tuteur de sa cousine princesse de Looz‑Corswarem, intervint auprès du gouverneur de la province en faveur de l'érection de Rémersdael en commune.

Par succession, l'ancienne cour de Clermont passa en 1857 aux consorts de Lannoy et, lors du partage effectué le 3 février 1868 elle fut dévolue à Napoléon de Lannoy, qui décéda le 7 mars 1874. Ses fils la vendirent, le 20 décembre 1875, au baron Clément de Furstenberg, qui fît édifier de nouvelles constructions. La clef de voûte de l'entrée de la grange présente le millésime 1877.

La Welschhof a été acquise, le 30 octobre 1933, par Jean-Léonard dit Léon Hollands et son épouse Jeanne‑Marie‑Agnès‑Joséphine Belleflamme, qui la détenaient en 1953 (comme le signale Grondal). Ce sont actuellement le petit-fils et l'arrière-petit-fils du couple Hollands-Belleflamme qui sont propriétaires.

En passant, signalons qu'il y a ici une ânerie à laquelle il faudrait mettre un terme: "Clermonsthof" est le nouveau nom utilisé pour ce lieu-dit. En français, c'était clairement "Cour de Clermont" et en patois "Welschhof". Si les flamands veulent appliquer uniformément leur règle consistant à flamandiser tous les noms patois, qu'ils en fassent un "Waalse hof" et qu'ils le traduisent en "Ferme wallonne". Ecrire, comme notre administration communale depuis un demi-siècle "rue Clermontshof" est vraiment ridicule. Je n'accuse pas A. Boileau, mais ceux qui l'ont inspiré.